La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

mercredi 13 décembre 2017

Connais-toi toi-même (G VIIII)

Dans cette rubrique paraît une série d’articles portant sur la connaissance de soi,
articles se composant d’extraits de l’enseignement de G. I. Gurdjieff,
selon les notes prises par P. D. Ouspensky, l’un de ses élèves.

G. I. Gurdjieff tenait sa connaissance de la « tradition ancienne ».

Ma motivation : se désenvoûter (un max. d'entre nous). 

Soyez votre propre flambeau et votre propre recours.
– Sagesse orientale
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– Les trois préceptes du Temple d’Apollon de Delphes : 
Connais-toi toi-même.
Car alors tu connaîtras l’Univers et tu seras un des dieux.
Tout en égale modération et rien en excès déséquilibré.

Voici ce que disait G. I. Gurdjieff concernant la connaissance de soi,
ainsi que le moyen, la façon de procéder, pour apprendre à se comprendre :
L’homme ordinaire de notre temps,
même s’il s’intéresse à la philosophie ou aux sciences,
ne comprend pas que le principe "Connais-toi toi-même" se réfère
à la nécessité de connaître sa propre machine, la "machine humaine".

La structure de la machine est plus ou moins la même chez tous les hommes ;
c’est donc cette structure que l’homme doit étudier d’abord,
c’est-à-dire les fonctions et les lois de son organisme.
Dans la machine humaine tout est lié,
une chose dépend à ce point d’une autre,
qu’il est tout à fait impossible d’étudier une fonction quelconque,
sans étudier toutes les autres.
La connaissance d’une partie requiert la connaissance de l’ensemble.
(…)
L’étude de soi est le travail, ou la voie, qui conduit à la connaissance de soi.
(…)
La méthode fondamentale pour l’étude de soi est l’observation de soi.
Sans une observation de soi correctement conduite,
un homme ne comprendra jamais les connexions
et les correspondances des diverses fonctions de sa machine,
il ne comprendra jamais comment ni pourquoi, en lui, "tout arrive".
(…)
Ainsi pour observer les fonctions de la machine humaine,
il est nécessaire de les comprendre dans leurs divisions correctes,
et de pouvoir les définir exactement et aussitôt ;
de plus, la définition ne doit pas être verbale,
mais intérieure : par le goût, par la sensation, (…)
L’observation de soi, au commencement surtout,
ne doit sous aucun prétexte devenir analyse, ou tentatives d’analyse.
L’analyse n’est possible que beaucoup plus tard,
lorsqu’on connaît déjà toutes les fonctions de sa machine
et toutes les lois qui la gouvernent.
(…)
L’activité entière de la machine humaine est divisée
en quatre groupes de fonctions nettement définis.
Chacun est régi par son propre "cerveau" ou "centre".
En s’observant lui-même,
un homme doit différencier les quatre fonctions fondamentales de sa machine :
les fonctions intellectuelle, émotionnelle, motrice et instinctive.
Chaque phénomène qu’un homme observe en lui-même
se rapporte à l’une ou l’autre de ces fonctions.
C’est pourquoi, avant de commencer à observer,
un homme doit comprendre en quoi diffèrent les fonctions ;
ce que signifie l’activité intellectuelle,
ce que signifient l’activité émotionnelle,
l’activité motrice et l’activité instinctive.
(…) il est nécessaire de commencer par le commencement,
c’est-à-dire de s’observer soi-même comme si l’on ne se connaissait pas du tout,
comme si l’on ne s’était encore jamais observé.
Lorsqu’on commence à s’observer, on doit essayer aussitôt de déterminer
à quel centre appartiennent les phénomènes que l’on est en train d’observer.
(…)
On peut dire, en gros,
que la fonction du penser travaille toujours par comparaison.
Les conclusions intellectuelles sont toujours le résultat
de la comparaison de deux ou de plusieurs impressions.
La sensation et l’émotion ne raisonnent pas, elles ne comparent pas,
elles définissent seulement une impression donnée par son aspect,
son caractère plaisant ou déplaisant dans un sens ou dans un autre,
sa couleur, son goût ou son odeur.
En outre, les « sensations » peuvent être indifférentes :
ni chaud ni froid, ni plaisant ni déplaisant (…)
Dans la sensation du blanc et du rouge,
il n’y a rien de plaisant ni de déplaisant.
Du moins, rien de tel n’est nécessairement lié
à la sensation de l’une ou de l’autre de ces deux couleurs.
Ces sensations, qui procèdent de ce que l’on nomme les "cinq sens",
et les autres, comme la sensation du chaud, du froid, etc., sont instinctives.
(…)
Pour trouver la méthode discriminative,
nous devons comprendre que chaque fonction psychique normale
est un moyen ou un instrument de connaissance.
Avec l’aide du penser, nous voyons un aspect des choses et des événements,
avec l’aide des émotions un autre aspect,
avec l’aide des sensations un troisième aspect.
La connaissance la plus complète que nous puissions avoir d’un sujet donné
ne peut être obtenue que si nous l’examinons simultanément
à travers nos pensées, nos sentiments et nos sensations.
Tout homme qui s’efforce d’atteindre à la véritable connaissance
doit tendre vers la possibilité d’une telle perception.
Dans les conditions ordinaires,
l’homme voit le monde à travers une vitre déformée, inégale.
(…)
Toutes les fonctions sont interdépendantes et s’équilibrent l’une l’autre,
toutes les fonctions tendent à se maintenir l’une l’autre dans l’état où elles sont.
(…)
Chaque centre a sa mémoire propre, ses associations propres et son propre penser.
(…)
Chez un homme normal, bien portant, chaque centre fait son propre travail,
c’est-à-dire le travail auquel il est spécialement destiné
et qu’il est qualifié pour accomplir au mieux.
Il y a des situations dans la vie dont nous ne pouvons
nous tirer qu’avec l’aide de la pensée et d’elle seule.
Si, dans un tel moment,
le centre émotionnel commence à fonctionner à la place du centre intellectuel,
il n’en résultera qu’un embrouillamini général
et les conséquences d’une telle intervention seront des plus fâcheuses.
Chez un homme non équilibré, la substitution continuelle d’un centre à un autre
est précisément ce que l’on nomme "déséquilibre" ou "névrose".
Chaque centre tâche en quelque sorte de passer son travail à un autre et,
en même temps, il essaie de faire le travail d’un autre centre,
travail pour lequel il n’est pas fait.
Le centre émotionnel, lorsqu’il travaille pour le centre intellectuel,
apporte avec lui une nervosité, une fièvre et une hâte inutiles,
dans les situations où il faudrait au contraire un jugement
et une délibération calmes.
Le centre intellectuel, de son côté, lorsqu’il travaille pour le centre émotionnel,
se met à délibérer dans des situation qui exigent des décisions rapides
et il rend impossible de discerner les particularités
et les points délicats de la situation.
La pensée est trop lente.
Elle élabore un certain plan d’action et continue de le suivre
même lorsque les circonstances ont changé,
et qu’une tout autre sorte d’action est devenue nécessaire.
En certains cas, par ailleurs,
l’intervention du centre intellectuel donne naissance
à des réactions tout à fait fausses,
parce que le centre intellectuel est simplement incapable de comprendre
les nuances et les subtilités de nombreux événements.
Des situations qui sont entièrement différentes pour le centre moteur
et pour le centre émotionnel lui apparaissent identiques.
Ses décisions sont beaucoup trop générales et ne correspondent pas
à celles que le centre émotionnel aurait prises.
Cela devient parfaitement clair
lorsque nous nous représentons l’intervention de la pensée,
c’est-à-dire de l’esprit théorique,
dans les domaines du sentiment, ou de la sensation, ou du mouvement ;
en chacun de ces trois cas l’intervention de la pensée
conduit à des résultats tout à fait indésirables.
La pensée ne peut pas comprendre les nuances du sentiment.
Nous le saisirons parfaitement si nous imaginons un homme
raisonnant sur les émotions d’un autre. Comme il n’éprouve rien lui-même,
ce qu’éprouve l’autre n’existe pas pour lui.
« Un homme rassasié ne comprend pas un homme qui a faim ».
Mais pour celui-ci, sa faim « est bien réelle ».
Et les décisions du premier,
c’est-à-dire de la pensée, ne peuvent en aucun cas le satisfaire.
De même, la pensée ne peut pas apprécier les sensations.
Pour elle, ce sont choses mortes.
Quant aux mouvements, elle n’est pas davantage capable de les contrôler.
(…)
Quel que soit le travail qu’un homme ait à faire,
qu’il essaie donc de faire chacun de ses geste délibérément, avec sa pensée,
en suivant chaque mouvement,
et il verra que la qualité de son travail changera immédiatement.
S’il tape à la machine, ses doigts, commandés par son centre moteur,
trouvent d’eux-mêmes les lettres nécessaires,
mais s’il essaie de se demander avant chaque lettre : "Où est le C ?
Où est la virgule ? Comment épelle-t-on de ce mot ?",
il fait aussitôt des fautes ou se met à taper très lentement.
(…)
Le centre moteur, lorsqu’il fait le travail du centre intellectuel,
donne, comme résultat, la lecture mécanique ou l’audition mécanique,
celle d’un lecteur ou d’un auditeur qui ne perçoit que des mots,
et demeure entièrement inconscient de ce qu’il lit ou entend.
Cela arrive généralement lorsque l’attention,
c’est-à-dire la direction de l’activité du centre intellectuel,
est occupée par quelque chose d’autre,
et lorsque le centre moteur essaie de suppléer le centre intellectuel absent ;
mais cela devient très facilement une habitude,
parce que le centre intellectuel est généralement distrait
non par un travail utile, pensée ou contemplation,
mais simplement par la rêverie ou l’imagination.
(…)
L’observation de l’activité de l’imagination et de la rêverie
constitue une partie très importante de l’étude de soi.
Puis l’observation devra porter sur les habitudes en général.
Tout homme adulte est un tissu d’habitudes (…)
Aussi longtemps qu’un homme est gouverné par une habitude particulière,
il ne peut pas l’observer ; mais dès sa première tentative, si faible soit-elle,
de la combattre, il la sent et il la remarque.
C’est pourquoi, pour observer et étudier les habitudes,
il faut essayer de lutter contre elles.
Cela nous ouvre une voie pratique d’observation de soi.
(…)
La lutte contre l’expression des émotions désagréables n’est pas seulement
une excellente méthode pour l’observation de soi, elle a une autre signification.
C’est là une des rares directions dans lesquelles un homme peut se changer
ou changer ses habitudes sans en créer d’indésirables.
C’est pourquoi l’observation de soi et l’étude de soi doivent dès le début
s’accompagner d’un combat contre « l’expression des émotions désagréables ».
S’il suit toutes ces règles en s’observant lui-même (…)
il ressentira sa complète mécanicité.
Tout arrive, l’homme ne peut rien "faire".
Il est une machine commandée de l’extérieur par des chocs accidentels.
Chaque choc appelle à la surface un de ses "moi".
Un nouveau choc, et ce "moi" disparaît, un autre prend sa place.
Un autre petit changement dans le monde environnant,
et voilà encore un "moi" nouveau.
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Lien
* Tarot, Gurdjieff et Nietzsche
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2 commentaires:

  1. Eric,
    Le chemin de toute une vie ou réplique chacalienne de récré c'est selon.
    En tout cas la citation est très riche une fois de plus.
    Merci pour le partage.
    Thierry

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    Réponses
    1. Ou une réplique sismique sur le chemin de vie.
      :)
      A + Thierry

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