La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

vendredi 16 février 2018

Se considérer, et considérer que... (G XVII)

Après le mécanisme global d’identification,
G. I. Gurdjieff aborde ce qu’il nomme « la considération ».
Pour ce dernier, la « considération intérieure » est une forme d’identification
générant des suppositions (intérieures) et affirmations (extérieures),
ce qui nous rend exigent avec les autres.

Il me semble que la considération de Gurdjieff est à relier avec l’importance de soi,
par exemple avec l’ambition d’être reconnu socialement, publiquement.
Cette considération intérieure semble due à l’image de soi ou idéal du moi.

Si je saisis le "mécanisme" :
on s’identifie à tout et on se construit à partir de modèles de référence ;
puis, à partir de cette identification (intérieure),
on se donne le droit de considérer que…,
c’est-à-dire d’avoir un avis, des certitudes et des exigences.

Voici ce qu’en disait G. I. Gurdjieff :
Après avoir étudié l’identification en général,
il faut prêter attention à l’un de ses aspects particuliers :
l’identification aux gens,
qui prend la forme de la "considération".

Il y a plusieurs sortes de considération.
Dans la plupart des cas, l’homme s’identifie à ce que les autres pensent de lui,
à la façon dont ils le traitent, à leur attitude à son égard.
L’homme pense toujours que les gens ne l’apprécient pas assez (…)
Tout cela le tracasse, le préoccupe, le rend soupçonneux ;
il gaspille en conjectures ou en suppositions une quantité énorme d’énergie,
il développe ainsi en lui une attitude méfiante et hostile à l’égard des autres.
Comment on l’a regardé, ce qu’on pense de lui, ce qu’on a dit de lui,
tout cela prend à ses yeux une importance énorme.
(…)
Et le point de départ de son jugement est toujours
que les choses peuvent et doivent être changées.
L’ "injustice" est un de ces mots qui servent souvent de masques à la "considération".
(…)
Il y a des gens capables non seulement de "considérer" l’injustice
ou le peu de cas que l’on fait d’eux,
mais de considérer même le temps qu’il fait.
Cela semble ridicule, mais c’est un fait :
les gens sont capables de considérer le climat,
la chaleur, le froid, la neige, la pluie ;
ils peuvent se fâcher et s’indigner contre le mauvais temps.

Commentaire : il est intéressant de relier la « considération » avec deux des accords toltèques
« ne pas faire de supposition » ainsi que « ne réagir à rien de façon personnelle ».

Poursuivons :
L’homme prend tout d’une façon personnelle,
comme si tout dans le monde avait été spécialement aménagé pour lui faire plaisir,
ou au contraire pour lui causer des désagréments et des ennuis.
(…)
Ce genre de considération se fonde entièrement sur les "exigences".
L’homme, en son for intérieur, "exige" que tout le monde le prenne pour
quelqu’un de remarquable, auquel chacun devrait constamment témoigner respect,
estime et admiration, pour son intelligence, sa beauté, son adresse, son humour,
sa présence d’esprit, son originalité et toutes ses autres qualités.
(…)
Il y a encore une autre forme de "considération"
qui peut enlever à un homme une grande partie de son énergie.
Elle a pour point de départ l’attitude qui consiste à croire
qu’il « ne considère pas assez une autre personne »,
et que celle-ci en est offensée. (…)
Tout cela n’est que faiblesse.
Les hommes ont peur les uns des autres.
Et cela peut mener très loin. J’ai vu de tels cas bien souvent.
Un homme peut aller de la sorte jusqu’à perdre son équilibre,
s’il en eut jamais,
et se conduire de manière complètement insensée.
Il se fâche contre lui-même et ressent à quel point il est stupide,
mais il ne peut pas s’arrêter, parce qu’en l’occurrence
toute la question est précisément de "ne pas considérer".
Un autre exemple, peut-être pire encore,
est celui de l’homme qui considère qu’à son sens il "devrait" faire quelque chose,
alors qu’en fait, il n’a absolument rien à faire.
(…)
L’homme ne peut pas s’empêcher de s’identifier et de "considérer intérieurement",
(…)
L’identification, la considération, l’expression des émotions désagréables
sont des manifestations de sa faiblesse, de son impuissance,
de son incapacité à se dominer.
Mais, ne voulant pas s’avouer cette faiblesse,
il l’appelle "sincérité" ou "honnêteté"
et il se dit qu’il ne désire pas lutter contre sa sincérité,
alors qu’en fait il est incapable de lutter contre ses faiblesses.
(…)
J’ai parlé jusqu’ici de la considération intérieure.
Il serait possible d’en donner beaucoup d’autres exemples.
Mais c’est à vous de le faire, je veux dire que c’est à vous de chercher ces exemples,
dans vos observations sur vous-même et les autres.

G. I. Gurdjieff passe de l’intériorité (relation à soi-même) à l’extériorité,
en précisant que la « considération extérieure »,
contrairement à la « considération intérieure »,
donne des résultats favorables pour tous :
Le contraire de la considération intérieure – la considération extérieure –
constitue pour une part un moyen de lutter contre elle.
La considération extérieure se fonde sur une sorte de relation
envers les gens totalement différente de la considération intérieure.
Elle est une adaptation aux gens, à leur compréhension et à leurs exigences.
En considérant extérieurement, un homme fait tout ce qui est nécessaire
pour se rendre la vie plus facile à lui-même et aux autres.
La considération extérieure nécessite une connaissance des hommes,
une compréhension de leurs goûts, de leurs habitudes et de leurs préjugés.
(…)
Il arrive souvent qu’un homme commence par une bénédiction
et finisse par une injure.
Il décide de ne pas considérer les autres,
après quoi il les blâme de ne pas le considérer lui-même.
Cet exemple montre comment la considération extérieure
dégénère en considération intérieure.
Mais si un homme se rappelle réellement lui-même,
il comprend que l’autre est une machine, tout comme il en est une lui-même.
Et alors « il se mettra à la place de l’autre ».
Ce faisant, il deviendra réellement capable de comprendre
ce que l’autre pense et ce qu’il sent.
S’il peut se comporter ainsi, son travail deviendra beaucoup plus facile pour lui.
Mais s’il aborde un homme avec ses propres exigences, il n’en tirera rien,
si ce n’est une nouvelle considération intérieure.


2 commentaires:

  1. Eric,
    Pour ma part ce sera con sidéré par tout ce qui me dépasse et quelque part ravi d'avoir les yeux ouverts.
    Merci.
    Thierry

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    Réponses
    1. :)) on est au moins deux (cons sidérés), Thierry
      Bon jour à toi

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