La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

mardi 10 janvier 2017

Esprits malades d'idées

Les années 1950-60 pourraient paraître comme prospères.
L’après-guerre, les ouvriers parvenaient à s’acheter une maison,
un frigidaire, une TV, une voiture, et leurs enfants pouvaient étudier, etc.

Pourtant un Individu, exceptionnel selon moi,
voyait, non pas dans le futur, mais dans le présent, que tout cela,
cette croissance matérialiste, cette économie soi-disant florissante,
ne faisait que préparer le terrain à de nouvelles guerres.

Je suis en train de relire Krishnamurti, découvert il y a ~25 ans.

Je rappelle que ce personnage n’a écrit ni livre ni théorie ni autre,
ce que nous avons découlant de notes prises lors de ses conférences, discussions et entretiens.

Voici quelques extraits de ce qui, à mon avis, résonne de plus en plus fort et juste,
tirés d’un livre publié en 1954 ! « La première et dernière liberté »
(la mise en caractère gras est de mon fait) :
La souffrance est politique, sociale, religieuse ; tout notre être psychologique est dans la confusion, nos chefs politiques et religieux n’y peuvent rien et les livres sacrés ont perdu leur valeur (…) Comment réagissez-vous à cet énorme chaos, à cette confuse incertitude de l’existence ? (…)
La plupart d’entre nous ont l’habitude d’être des spectateurs et de ne pas participer à l’action (…) ; être spectateur est devenu une tradition, notre habitude nationale et universelle ; (…) nous ne sommes là qu’en surplus ; nous avons perdu la capacité de créer (…) Votre réaction est celle de l’indifférence si vous retirez un avantage de cette souffrance, de ce chaos, si vous en avez un profit, économique, social, politique
ou psychologique. Dans ce cas, cela vous est égal que le désordre se prolonge.
Il est évident que plus le monde est troublé et chaotique, plus on recherche la sécurité. Ne l’avez-vous pas remarqué ? (…)

Le problème (…) est celui de savoir si l’individu est l’instrument ou la fin de la société. Vous et moi, en tant qu’individus, devons-nous être utilisés, dirigés, instruits, contrôlés,
façonnés par les gouvernements pour la société ;
ou la société, l’État, sont-ils au service de l’individu ? (…)
Ce problème est grave, car si l’individu est l’instrument de la société, celle-ci est plus importante que lui. Si cela est vrai, il nous faut abandonner notre individualité et travailler pour la société ; tout notre système d’éducation doit se conformer à cette idée et l’individu doit être transformé en un instrument pour la société, laquelle, ensuite s’en débarrassera, le liquidera, le détruira.
Mais si la société existe pour l’individu, sa fonction n’est pas de lui apprendre à se conformer à un modèle quel qu’il soit, mais de lui insuffler le sentiment,
l’appel de la liberté. (…)

Une des causes principales de la désintégration de la société est l’imitation (…) ;
là où est l’autorité, il y a nécessairement copie. Et puisque toute notre structure mentale
et psychologique est basée sur l’autorité, il nous faut nous affranchir de l’autorité afin d’être créatifs.
Durant la conférence, Krishnamurti parle beaucoup du besoin incontournable
de se connaître soi-même.
Ensuite, il répond aux questions des participants. L’un lui demande :
« vous dites que la crise actuelle est sans précédent. En quoi est-elle exceptionnelle ? »

- (…) la crise actuelle n’est pas du même ordre (que les précédentes). Elle est différente,
d’abord parce qu’elle est moins une crise d’argent, d’objets tangibles que d’idées.
Elle est dans le champ de l’idéation. Nous combattons avec des idées.
Dans le monde entier, nous justifions le meurtre comme moyen pour des fins morales,
ce qui est sans précédent. Anciennement, le mal était reconnu comme mal et le meurtre comme meurtre mais l’assassinat d’individus ou de masses est justifié aujourd’hui,
parce que l’assassin, ou le groupe qu’il représente, affirment que c’est le moyen de parvenir à un résultat bénéfique pour l’humanité. Nous sacrifions le présent pour l’avenir et nos moyens importent peu tant que nous affirmons que notre but est le bien général. En somme, nous affirmons que les moyens les plus faux peuvent produire
des fins justes, et nous justifions ces moyens par l’idéation.
Les crises précédentes concernaient l’exploitation des choses ou l’exploitation de l’homme. Il s’agit maintenant de l’exploitation des idées, laquelle est bien plus pernicieuse, plus dangereuse, plus dévastatrice. Nous connaissons aujourd’hui la puissance de la propagande ; cette utilisation des idées pour transformer l’homme
est une des plus grandes calamités qui puissent se produire
.
Et nous la voyons se produire partout. L’homme n’est pas important ; les idées,
les systèmes le sont. L’individu n’a plus aucune valeur.
Nous pouvons détruire des millions d’hommes pour parvenir à nos fins,
et celles-ci sont justifiées par des idées. Nous avons mis au point de magnifiques
structures d’idées pour justifier le mal.
(…)
Lorsque l’intellect prend le dessus dans les affaires humaines,
il provoque une crise sans précédent
.
D’autres faits aussi indiquent une crise sans précédent. L’un d’eux est l’extraordinaire importance que nous donnons aux valeurs sensorielles, aux possessions, aux noms, aux castes, aux pays et aux étiquettes que nous portons : l’on est musulman, hindou, chrétien, communiste ou autre chose. (…)
Par conséquent cette crise sans précédent exige une action sans précédent.
Il faut en sortir d’un coup, à la façon dont on franchit un seuil,
par une action instantanée, une action intemporelle qui ne s’appuie sur aucun système,
car toute idée aboutit inévitablement à une frustration et nous ramène à l’abîme
par une voie différente.
(…) demain est un processus de désintégration. Si je pense me transformer demain,
j’invite la confusion, je suis toujours dans le champ de la destruction.
(…) cette révolution (…) doit se produire à travers chacun de nous. (…) Et cette transformation ne peut se produire que lorsque l’individu commence à être conscient de lui-même dans chaque pensée, chaque acte et chaque sentiment.

Un autre participant pose une question concernant le "comment éviter la guerre qui menace" :
- La guerre est la projection spectaculaire et sanglante de notre vie quotidienne. Elle n’est que l’expression de notre état intérieur, un élargissement de nos actions habituelles. (…) elle en est le résultat collectif. Par conséquent, vous et moi sommes responsables de la guerre (…) Il est évident que celle qui nous menace ne peut être arrêtée ni par vous ni par moi, parce qu’elle est déjà en mouvement ; elle a déjà lieu, bien que, pour le moment, ce soit principalement au niveau psychologique. (…)

Les circonstances peuvent être prises en main par nous, car c’est nous qui avons créé la situation où nous sommes. La société est le produit de nos relations, des vôtres et des miennes à la fois. Si nous changeons ces relations, la société changera.
Compter sur des législations, sur des moyens de pression pour transformer l’extérieur de la société tandis que nous demeurons corrompus intérieurement, désirant le pouvoir, des situations, de l’autorité, c’est détruire l’extérieur le mieux construit.
Le monde intérieur finit toujours par dominer sur l’extérieur. (…)
Si nous pouvions une seule fois réellement sentir la responsabilité de nos propres actes,
comme nous mettrions rapidement fin à toutes ces guerre, à cette effroyable misère !
Mais, voyez-vous, nous sommes indifférents. Nous avons nos trois repas par jour,
nous avons nos emplois, nous avons nos comptes en banque, petits ou grands, et nous disons : « pour l’amour du ciel, ne nous dérangez pas, laissez-nous tranquilles. »
Plus notre situation est élevée, plus nous voulons une sécurité, une pérennité,
une tranquillité, et que les choses demeurent en l’état où elles sont. (…)
Commentaire : nous sommes mal barrés puisque les gens qui nous dirigent
font justement partie de ceux qui ont une « situation élevée » !
La paix n’est pas un idéal.
Pour moi, un idéal n’est qu’une évasion,

une négation de ce qui « est », une façon de l’éviter.
(…)
Tant que chacun de nous est à la recherche d’une sécurité psychologique,
la sécurité psychologique dont nous avons besoin – nourriture, vêtements, logement –
est détruite. Nous recherchons la sécurité psychologique qui n’existe pas,
et nous la recherchons, (…), dans la puissance, dans une situation, dans des titres,
toutes choses qui détruisent la sécurité physique.
C’est un fait évident si vous savez le voir. (…)

Pour mettre fin à la guerre extérieure,
vous devez commencer par mettre fin à la guerre en vous-même
.



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